Blablacar, Airbnb, Uber… Après des débuts timides les seniors s’approprient peu à peu l’univers de la consommation collaborative. Enquête sur un nouvel Eldorado version 2.0.
Son portrait trône sur la page d’accueil de Blablacar. Josephe, 72 ans, covoiture une fois par mois pour se rendre de Tours (Indre-et-Loire) à Plouha (Côtes-d’Armor) où elle a une maison de campagne : « J’ai décidé de commencer à covoiturer à cause du prix de l’essence. L’une de mes amies m’a aidée à m’inscrire sur le site car cela faisait peu de temps que j’utilisais Internet. J’avais quelques appréhensions au début mais elle m’a rassurée. Elle m’a dit que sa fille faisait du covoiturage et que je ne risquais rien ! »
Cela fera bientôt cinq ans que cette retraitée est inscrite sur le premier site de covoiturage français. Au-delà de l’aspect économique, la conductrice explique apprécier le caractère convivial des trajets : « On s’arrête toujours sur la route et j’offre le café à mes passagers. A bord, il y a des biscuits et des bonbons. Je prévois même des petits sacs à l’avant si quelqu’un venait à se sentir mal, comme dans les avions ! Je voyage avec Sasha, ma petite chienne. Tout le monde la trouve très mignonne ! Je ne mets pas souvent la radio car beaucoup de passagers dorment pendant le trajet. Cela me fait plaisir, c’est un signe de confiance ! »
A l’image de Josephe, les seniors seraient de plus en plus nombreux à recourir aux sites de covoiturage : « C’est une catégorie qui progresse extrêmement vite », expliquait récemment au Parisien une cadre de Blablacar. En règle générale, ils découvrent le site par l’intermédiaire de leurs fils et leurs filles et s’inscrivent comme conducteurs.
Les seniors accros à Internet
Depuis quelques années, ceux que l’on surnomme les silver surfers – pour leur chevelure grise – ont envahi la toile, à tel point qu’ils représentent aujourd’hui plus d’1/3 des internautes. Alors forcément les sites de consommation collaborative tirent eux aussi leur épingle du jeu.
Ce qui intéresse ces « silver consommateurs » : l’échange humain d’abord – d’autant plus qu’une partie des seniors est composée d’anciens soixante-huitards, souvent sensibles à ce nouveau type de consommation – mais surtout les tarifs peu élevés.
D’après une étude menée en décembre 2014 par le cabinet OC& C Strategy Consultants, 46 % des retraités à faibles revenus auraient recours aux sites collaboratifs car ce type de consommation est souvent le meilleur moyen pour des personnes âgées de conserver une certaine qualité de vie à moindre coût.
C’est le cas de Debbie et Michael Campbell, un couple de retraités américains qui s’est lancé depuis quelques années dans une sorte de tour du monde touristique. Ils expliquent sur leur blog, SeniorNomads : « Nous avons déjà dormi chez plus de 52 personnes différentes. Nous visitons le monde par l’intermédiaire des appartements Airbnb car c’est le seul moyen pour nous de pouvoir nous offrir ce voyage. »
Le nouveau business de la consommation collaborative
Aux Etats-Unis, c’est tout un business qui est en train d’émerger autour de la consommation collaborative des seniors. Il y a quelques années déjà, apparaissait à San Francisco le site Roomatesforboomer, une plateforme de colocation exclusivement destinée aux femmes issues de la génération baby boom. Plus récemment, une startup basée à Miami lançait Room2care, une sorte d’Airbnb de la dépendance. Le concept : des particuliers qui louent des chambres à des seniors avec en plus des services du type courses, toilettes et soins en tout genre.
Côté transport enfin, le site Lift Hero propose à des particuliers de s’improviser chauffeurs pour accompagner des personnes âgées à leurs rendez-vous médicaux ou au supermarché. Un Uber pour seniors en somme.
Bien que ce genre d’initiatives soient pour le moment assez rares en France, le mouvement de fond est bien présent, à l’image de « Place des seniors » un site d’échanges de services entre retraités, comprenant par exemple des locations d’appartements ou des offres de jobs ponctuels.
L’achat en ligne : un secteur à conquérir
Le dernier domaine où le collaboratif peine encore à faire son trou reste la vente et l’achat d’occasion. Car si les seniors étaient 78% à acheter en ligne en 2014 – d’après une enquête Médiamétrie – ils préfèrent de loin chercher les bonnes affaires sur les sites des enseignes connues comme la Fnac ou la Redoute plutôt que la vente entre particuliers. Le senior a besoin de se sentir en confiance pour acheter et privilégie l’avis des professionnels aux offres des simples particuliers. Le Bon Coin et Ebay devront donc apprendre à séduire cette clientèle très particulière s’ils veulent eux aussi profiter du « Silver Eldorado ».
Usbek & Rica