Sourire chaleureux, Catherine Bergeret Amselek est une psychanalyste qui a le sens de l’hospitalité. Membre de la Société de psychanalyse freudienne où elle anime un séminaire sur la clinique psychanalytique aux âges clé de la vie, ses travaux portent sur les crises existentielles qui jalonnent la vie de l’aube au crépuscule. Les turbulences émotionnelles resurgissent dans les temps forts de la vie et ce sont ces temps forts qu’explore cette éprise de l’âme humaine pour laquelle grandir jusqu’au terme de sa vie est possible. Comment face à ce constat demeurer un sujet en devenir notamment au moment de la vieillesse où tant de questions existentielles nous bousculent ?
Attachée à une vieillesse à plusieurs visages, refusant l’étiquette d’un bien vieillir grisé de suractivité, Catherine Bergeret Amselek a choisi de militer pour une cause des ainés éloignée des clichés. Trente-deux intervenants prestigieux interviendront lors d’un Colloque qu’elle organise et préside les samedi 7 et dimanche 8 février 2015 à l’Espace Reuilly-Paris. Après le succès des deux premières éditions, elle a voulu que ce troisième volet ouvre de nouvelles perspectives, rapproche les pratiques et les praticiens, tienne compte de la révolution du numérique et de la solidarité intergénérationnelle pour regarder autrement l’avancée en âge. Car laisser nos aînés sur le bord de la route c’est occulter une vaste partie de la population. Une rencontre hautement humaine.
Génération Care : Catherine Bergeret Amselek, pourquoi la cause des aînés est-elle une cause majeure ?
Catherine Bergeret Amselek : A partir de 65 ans les moments de rupture s’accumulent et le sentiment continu d’exister est mis à mal, renforcé par un culte du jeunisme et une injonction à « vieillir jeune » qui empêche de vieillir « en accord-d’âge ». Face à cette longévité inédite, voir cinq générations se côtoyer est une révolution. Vivre longtemps est une chance, encore faut-il que la société s’adapte en attachant de l’importance aux valeurs de l’être et pas seulement du paraître.
G.C. : Qu’entendez-vous par une prévention précoce concernant la prise en charge du sujet âgé ?
C. B. A. : Il est temps de porter un autre regard sur la prévention, et de se soucier de naitre et grandir à son propre rythme. La sécurité affective qui se tisse dans nos jeunes années est un socle sur lequel on pourra s’appuyer toute notre vie pour traverser les tempêtes. A chaque fois que notre rapport au corps et au temps est bouleversé, tout ce qui a eu lieu au début de la vie ressurgit et c’est d’autant plus important à partir de 70 ans ou vers 80 ans car c’est un cap où on a tous les âges à la fois. Rencontrer des interlocuteurs sur lesquels s’appuyer pour rebondir sera essentiel, ils feront office de tuteurs de résilience. Ainsi, il est tout à fait possible et utile de faire une escale chez un psychanalyste après 70 ans pour dépasser les épreuves. Le travail du psychanalyste consiste à écouter plus que jamais l’enfant dans l’adulte.
G.C. : Quelles seront les nouveautés de cette troisième édition de la cause des aînés ?
C. B. A. : Cette troisième édition n’est pas destinée qu’aux seuls gérontologues, elle tissera des liens entre les cliniciens de tous les âges afin de décrypter les enjeux éthiques, politiques et cliniques du bien naître et du bien vieillir. Décloisonner les âges de la vie, et les acteurs de proximité engagés dans la vie sociale des jeunes et des vieux sera l’une de nos lignes conductrices et nous donnerons la parole aux enseignants, qui viendront nous présenter des actions de rapprochement intergénérationnels initiés dans leurs écoles.
G.C. : Parmi les innovations, vous aborderez l’introduction du numérique auprès des aînés ?
En quoi est-ce une avancée majeure ?
C. B. A. : Il est indispensable d’initier les plus âgés aux nouvelles technologies qui révolutionnent la façon de communiquer et de se relier au monde, de se soigner, d’équiper sa maison. De nombreux secteurs sont transformés par le numérique. Il est impossible de passer à côté. Cela demande de s’interroger sur la façon d’utiliser ces nouveaux objets si on veut rester en contact avec le réel et ne pas basculer dans une vie virtuelle éloignée de la dimension humaine.
G.C. : Parmi les temps forts du colloque la capacité au « Vivre en soi ».
Qu’entendez-vous par « Vivre en soi » ?
C. B. A. : C’est se sentir exister tout simplement en cultivant un espace intérieur de méditation, de rêverie. Si l’isolement est nuisible car il favorise la dépression, les maladies dégénératives et la dépendance, se lancer à corps perdu dans un activisme forcené revient à vivre hors de soi dans une identité de faux semblant tout aussi nocive pour l’équilibre. Plus on avance en âge plus l’apparence change et plus il est nécessaire d’exister non pas à travers ce qu’on donne à voir mais en se basant sur ce qu’on éprouve en ayant la capacité de jouer avec son image, de ne pas s’y identifier. Rester dans un mouvement de transformation c’est rester vivant et désirant au-delà de l’âge.
Un grand merci à Catherine Bergeret Amselek de savoir porter avec conviction notre droit à être et demeurer un homme en devenir à tous les âges de la vie.
Astrid Manfredi
«Vivre ensemble, jeunes et vieux, aujourd’hui et demain» www.cause-des-aines.fr