Qui dit vieillesse et fragilités liées à l’âge dit généralement maison de retraite. Des lieux souvent rejetés par les personnes âgées et leurs familles pour leur manque de convivialité et l’impossibilité d’y maintenir un peu d’autonomie. Face à ce constat, nombre d’initiatives sont aujourd’hui menées pour offrir des alternatives à l’établissement médicalisé. Enquête.
C’est un fait, le nombre de personnes âgées augmente. Pourtant entre le domicile ordinaire et les EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), il a longtemps manqué de choix aux personnes vieillissantes pour bénéficier d’un lieu de vie adapté et agréable. Aujourd’hui, la donne change.
Si la recherche d’alternatives a commencé il y a 50 ans, elle s’est intensifiée depuis 10 ans. Résultat : une palette de possibilités s’offre petit à petit aux seniors ne souhaitant pas aller en maison de retraite ou, du moins, le plus tard possible.
Des lieux qui privilégient le lien social
Depuis le début des années 2000, les résidences services seniors se sont développées. Elles proposent des logements aménagés d’un certain standing et mettent à la disposition de leurs résidents, des espaces collectifs, tels que des salons, des bibliothèques, des salles de remise en forme, des salles de jeux et parfois des piscines. Avec un accès sécurisé et des services payables à la carte, elles ne sont toutefois aucunement médicalisées et s’adressent à des seniors assez dynamiques et disposant de revenus assez élevés.
Pour les budgets plus serrés et toujours pour des personnes âgées très autonomes, la colocation entre seniors se déploie. Le concept est identique à celui de la colocation entre étudiants : on y partage le loyer et les charges et surtout cela permet de vivre en communauté et de s’entraider si besoin. Outre les sites comme logements-seniors.com ou colocation 40 ans +, l’association Cocon 3S va plus loin qu’une simple proposition de logements adaptés à partager. Elle met les personnes intéressées en relation et organise des séminaires d’une semaine préparant à la colocation. Des jours passés ensemble qui leur permettent de savoir si elles sont prêtes à cohabiter.
Pour des personnes plus vieillissantes ne souhaitant pas être déracinées de leur milieu de vie habituel, l’offre s’étend également. Dès les années 1980, des Maisons d’Accueil Rural des Personnes Agées (MARPA) ont été créées par la Mutuelle Sociale Agricole. Pensées comme des petites unités de vie et implantées en campagne, elles disposent de studios ou d’appartements 2 pièces adaptés à la bonne mobilité des personnes âgées et pourvus de système de téléassistance. Elles emploient un personnel permanent pour coordonner la vie en communauté, l’animer et offrir, en cas de besoins, les soins nécessaires.
Prévenir la perte d’autonomie
Et c’est sur un modèle un peu similaire mais moins règlementé que se développe désormais l’habitat alternatif, citoyen, solidaire et accompagné, mis en lumière dans une étude réalisée par le collectif Habiter Autrement en 2017.
On trouve ainsi « des initiatives d’ancrage local portées en partenariat par des élus locaux, des bailleurs sociaux et des acteurs de la gérontologie pour proposer aux habitants vieillissants, plutôt autonomes à l’entrée, un habitat adapté avec un accompagnement préventif de la perte d’autonomie ». C’est le cas de VillaGénération créé il y a 5 ans à Noidans-lès-Vesoul, dans le Doubs, ou de Vill’âge Bleu créées par la Mutualité Française Bourguignonne depuis 2011 (il en existe 9 aujourd’hui). Dans ces petits ensembles, on trouve des maisons ou appartements aménagés, pourvu d’outils domotiques, ainsi qu’une « maitresse de maison » pour coordonner la vie de groupe et maintenir une veille attentive et bienveillante sur les résidents.
Suivant la même logique se déploient des projets dans l’esprit du béguinage. Issu du Moyen-Âge, le béguinage faisait historiquement référence à un lieu hébergeant des femmes veuves ou célibataires qui logeaient dans des maisons ou des appartements individuels et utilisaient les bâtiments communs du béguinage (boulangerie,etc.). De nos jours, le béguinage se décline sous la forme d’un habitat regroupé pour séniors qui souhaitent vieillir dans un environnement et un cadre de vie adaptés (présence de commerces, proximité immédiate des voisins, logement adapté à la perte d’autonomie, partage des espaces et des services communs).
Inauguré en mars dernier à Nazelles-Négron (Indre-et-Loire), les Myosotis proposent ainsi trois bâtiments insérés en cœur de ville qui abritent douze logements (T3) et une salle d’activités dédiée aux associations locales.
Il y a par ailleurs, « des initiatives impulsées par des citoyens pour proposer une alternative à l’EHPAD à des personnes très fragilisées par des pathologies liées au vieillissement », souligne l’étude. C’est le cas notamment de la Maison du Thil, à Beauvais. « Il s’agit d’un modèle la colocation en responsabilités partagées. 6 habitants ayant des problèmes de troubles cognitifs de type maladie d’Alzheimer et apparentés y sont logés dans une maison. Et ils sont accompagnés 24h sur 24h par un service d’aide et de soins à domicile. Un collectif de familles, lui, engage et supervise ce service d’aide et de soins. C’est une autre qualité de vie et cela permet de maintenir les personnes dans un cadre relativement autonome et convivial », explique Hélène Leenhardt, doctorante en sociologie et rédactrice de l’Etude d’Habiter Autrement. Et « des initiatives portées par des associations à caractère social qui souhaitent accompagner le vieillissement de personnes fragilisées par une précarité sociale ou économique » existent aussi, à l’image des colocations intergénérationnelles Chabrol. « L’idée de ces dispositifs, de ces habitats dits inclusifs, est d’offrir un environnement convivial pour les personnes âgées et/ou handicapées, qui pourra avoir un caractère préventif de la perte d’autonomie, et pourquoi pas, accueillir ses résidents jusqu’au bout, poursuit Hélène Leenhardt. Cet habitat est complémentaire de l’offre en établissement et correspond à une évolution des attentes citoyennes : méfiance à l’égard des institutions et des cadres, volonté de décider soi-même et équilibre entre autonomie et accompagnement, individuel et collectif. Mais le financement de ce type d’hébergements reste un grand défi »
Usbek&Rica