Sortir du domicile quand on est une personne fragile, atteinte d’Alzheimer… Pas toujours facile. L’association Artz réussit ce pari de la solidarité, au musée, en mettant l’art au secours de la mémoire. Découvrez une initiative originale qui ne manquera pas de faire des émules.
Sol dallé et triangle de verre suspendu en l’air, la salle du Carrousel du Louvre impressionne, forcément. C’est l’après-midi, en semaine. Quelques personnes traversent l’espace gigantesque. Un petit groupe d’hommes et de femmes, jeunes et âgés, attend. Sacs à main, robes fringantes, cannes et fauteuils roulants.
Mais où sont donc les personnes atteintes d’Alzheimer ? Simpliste, j’avais pensé qu’« errance », « démence » et « absence » feraient corps dans ce petit groupe.
Au lieu de ça, on papote, tranquillement, comme au café du commerce. De temps à autre, un couac : « Gérard, revenez, on attend encore un peu ! ». La petite troupe se met enfin en route. A l’écart de la foule, nous pénétrons dans la salle des peintures classiques, ça sent la cire.
Annick est assistante du service ressources humaines dans un grand laboratoire pharmaceutique. Elle accompagne Malika, 62 ans, pour cette visite au Louvre. C’est la cinquième fois. Elles ont déjà fait du tai-chi ensemble et visité plusieurs grands musées parisiens.
C’est l’entreprise d’Annick qui lui a proposé, comme à d’autres salariés, d’accompagner des personnes atteintes d’Alzheimer, après un partenariat avec l’association Artz, dirigée par Cindy Barotte. « Depuis longtemps, j’avais envie de faire du bénévolat et de consacrer du temps à des personnes qui en ont besoin. » Sortir d’un quotidien parfois pesant, retisser des liens dans la société, donner un sens à ses actions : pour les malades comme les non-malades, l’enjeu est là.
Dans la grande salle, le petit groupe goûte l’espace. Des couples s’attardent devant des toiles d’anges touchés par la grâce. Un homme âgé, grand et dégingandé, s’assied religieusement devant chaque tableau, conscient du regard que je lui porte. Pendant la visite nous nous asseyons devant trois tableaux. Les remarques fusent devant Marcus Sextus, qui ressemble à Gérard à s’y méprendre. Pour Françoise, une accompagnatrice bénévole, « chaque séance au Louvre est une expérience. C’est un moment qui ne s’inscrit pas du tout dans notre quotidien. Je me suis moins ennuyée avec Jeanine qu’avec certaines personnes à priori saines que je suis amenée à rencontrer. Finalement, celui qui donne le plus à l’autre n’est pas toujours celui qu’on croit ».
De fait, les personnes atteintes d’Alzheimer sont souvent isolées et stigmatisées par l’image de la folie qu’on leur associe. L’art-thérapie permet à la personne atteinte d’Alzheimer d’exister en tant que sujet, pas seulement comme objet d’étude médicale. Discuter, s’exprimer, s’affirmer devient possible. Tout comme l’hypnose, la contemplation de l’image permet de s’extraire de soi pour y revenir nourri d’une émotion. L’association Artz permet cet aller-retour et réhabilite l’art comme vecteur de soin social.
En partenariat avec les institutions médicales, elle offre un terrain neutre, un sanctuaire où la mémoire ne sanctionne pas. L’initiative existe aussi aux Etats-Unis, impulsée par le Musée d’Art Moderne de New York. En France, l’expérience reste circonscrite à la région parisienne mais ne demande qu’à essaimer dans le reste de l’Hexagone.
Marie Pragout
> Pour en savoir plus :
L’Association Artz