En Allemagne, la politique d’adaptation de la société au vieillissement est particulièrement nécessaire. Le pays est en effet d’autant plus vieillissant qu’il a une faible natalité (1,36 enfant par femme). Pays vieillissant, mais qui semble plutôt bien le vivre, si l’on en croit le baromètre européen du bien vieillir : les seniors allemands disent « bien vivre leur âge » à 89%, taux le plus élevé des pays étudiés, et se sentir citoyens à part entière à 91% (contre 80% pour la France).
Que fait notre voisin pour s’adapter au vieillissement ? Nous nous sommes intéressés à l’exemple de Francfort où les plus de 65 ans représentent 16% de la population.
A Francfort, cela fait une quinzaine d’années qu’est mise en place une politique « senior-friendly ». Pia Flörsheimer, qui dirige le « Rathaus für Senioren», l’office de conseil et d’action pour les seniors de la ville, a conçu cette politique. Son premier volet est social, explique-t-elle. « Chaque année, Francfort consacre 3,5 millions d’euros à l’aide aux personnes âgées les plus en difficulté, que ce soit en établissement ou au domicile ». Ainsi, près de 400 personnes – qui ne peuvent être aidées par les autres instances sociales, reçoivent l’aide directe de la ville pour des services d’aide à domicile.
Changer l’image des vieux
La ville a décidé au début des années 2000 de mener une campagne de communication pour changer l’image des vieux. Pour cela, Pia Flörsheimer ne voulait pas se contenter de faire des affiches et de la publicité, mais a « voulu montrer la vieillesse dans tous ses aspects pour réussir à sensibiliser un maximum de gens au fait qu’ être vieux n’est pas forcément synonyme de déclin», explique-t-elle.
C’est ce qui a fait émerger la « Semaine du vieillissement », qui depuis est devenue une quinzaine, qui se déroule tous les ans au mois de juillet. Cet événement a pour objectif de faire se rencontrer tous les acteurs (collectivités, industriels, particuliers, associations…), et de permettre aux personnes âgées de suivre des conférences, des formations, de tester les nouvelles technologies, découvrir le sport, la musique, et surtout contribuer à l’élaboration de la politique de la ville, notamment au travers d’ateliers participatifs.
La co-construction au service de tous
L’idée de faire des vieux des acteurs de la cité est centrale à Francfort. Les personnes âgées ont été conviées à participer à l’élaboration de la politique de la ville et ont travaillé avec les pouvoirs publics sur quatre thématiques (santé, maintien à domicile, établissement, éducation-prévention), donnant lieu à des rapports remis aux élus.
Concrètement, cela a abouti à créer le « Senior en Rathaus », un portail internet d’information (Aelterwerden.de), à éditer des guides par quartier pour les seniors, un journal trimestriel dédié (Senioren Zeitschrift ), à ouvrir des cafés internet publics et spécialisés où des cours gratuits sont donnés, des zones dédiées dans plusieurs parcs de la ville, sortes de « squares pour personnes âgées » avec des activités de fitness adaptées à leur âge.
Une ville sans barrières
La mobilité des seniors dans la ville est également un enjeu majeur. En parcourant les rues de Francfort, on se rend compte de l’effort effectué. Des trottoirs plus larges, avec des pistes cyclables qui n’empiètent pas sur les espaces piétons, des accès à ces trottoirs plus faciles, des feux qui sonnent lorsqu’ils sont verts. On voit aussi très souvent des personnes âgées sur des vélos. Et les bancs sont omniprésents.
Dans le métro, il ne reste plus que quelques stations qui n’ont pas d’ascenseurs. Elles seront toutes accessibles au plus tard en 2018, après plus de 30 ans de travaux, explique Klaus Linek, le responsable de la communication de « Traffiq », la société qui gère métro, tram et bus.
La politique de Traffiq a été baptisée « pour une ville sans barrières », et se traduit là aussi par une co-construction avec les intéressés, qui siègent dans un conseil des seniors et font leurs recommandations. Outre des avantages tarifaires, la société propose des journées de formation, organisées à l’aide d’un bus itinérant. On peut y recevoir des informations, des conseils, et apprendre à mieux utiliser le bus. Traffiq demande aussi que tous les chauffeurs soient formés pour prendre en compte les besoins des personnes âgées, notamment avoir plus de temps pour s’installer dans les bus ou tramways.
Des services d’accompagnement « porte à porte » des personnes sont enfin proposés. Ils sont gratuits, il suffit de réserver la veille.
Co-construction, et conviction que ce qui sera bénéfique pour les personnes à mobilité réduite et les seniors sera bénéfique pour tout le monde, changement d’image, les chemins de Francfort sont de plus en plus ceux d’une « ville amie des aînés ».
Sandrine GOLDSCHMIDT