Depuis une vingtaine d’années, le « bien vieillir » est sur toutes les lèvres. Etre heureux, en bonne santé, faire attention à soi, rencontrer de nouvelles personnes, voilà ce qu’on propose pour prévenir les effets négatifs de la vieillesse. Mais le bien vieillir se décrète-t-il ? Ne risque-t-il pas au contraire de devenir une injonction tyrannique ?
En 2010, le sociologue Michel Billé et le philosophe Didier Martz ont écrit un livre très remarqué « La tyrannie du bien vieillir ». En 2009, Agathe Gestin, sociologue, avait déjà souligné que notre société se dirigeait de plus en plus vers « un nouvel impératif : vieillir jeune ». Ces trois auteurs soulignaient ainsi comment, à force de devenir l’essentiel du discours sur la vieillesse, le « bien vieillir » prenait les apparences d’une injonction qui risquait d’exclure un peu plus celles et ceux qui ne pouvaient s’y conformer.
Vieillir ne serait donc plus une « maladie » stigmatisante, mais à condition qu’on vieillisse en bonne santé… et qu’on reste « performant », efficace, faisant des choses extraordinaires. Ainsi, les histoires de vieux « super-héros », sauteurs en parachute ou athlètes accomplis à 100 ans font le bonheur des médias. L’histoire quotidienne, banale des vieux « juste vieux », avec des problèmes de vieux, intéresse moins…
5 piliers pour bien vieillir
Pour autant, faut-il jeter le bien vieillir avec l’eau du bain… de jouvence ? En quoi encourager et aider à un meilleur vieillissement serait-il néfaste ? Tout dépend en fait de ce dont on parle.
Bien vieillir, ce sont d’abord des recommandations pour rester en forme, physiquement et psychiquement le plus longtemps possible. Ainsi, pour le docteur Pierre Guillet « Bien vieillir suppose une harmonie entre la santé, le désir et le plaisir de vivre, et les moyens de vivre ». Il décrit 5 piliers¹ qui doivent être l’objet d’un « monitoring » permanent : les ressources, le logement, la santé, la vie sociale et la vie affective. Pour chacun de ces piliers, des actions peuvent être menées et une aide apportée pour les rendre effectives.
Pour le docteur Olivier de Ladoucette, auteur du « Guide du bien vieillir », il s’agit avant tout de ne pas se laisser aller. Il prend l’exemple des centenaires² : « Pour vivre en forme aussi vieux, ils auront probablement respecté trois consignes. Ils auront su éviter les maladies avec ou sans l’aide de la médecine. Ils auront maintenu constamment un bon niveau d’activité physique et intellectuelle. Enfin ils seront restés constamment reliés aux autres ».
Un apprentissage nécessaire
Une conjonction de facteurs qui selon lui peut s’apprendre : « On nous a préparés à devenir des adultes, on ne nous apprend pas à bien vieillir », dit-il. Or, apprendre à retarder son vieillissement physique notamment, peut être bénéfique. Ainsi, physiquement, jusqu’à très tard, on peut ralentir la dégradation des capacités respiratoires, on peut même récupérer une part de sa force musculaire à 90 ans si on fait les exercices nécessaires.
Le bien vieillir, c’est aussi un travail psychologique, un travail sur soi. Si on réussit à s’entourer, alors le bien vieillir peut être bénéfique, et la vieillesse être « une réserve de vie spirituelle ». La psychologue Marie de Hennezel explique, elle, que bien vieillir, c’est une posture face à la vie : « bien vieillir, c’est accepter de prendre soin de soi et de prendre soin de son intériorité », dit-elle.
Un diktat imposé à l’individu ?
Mais voilà… tout ne se passe pas toujours comme prévu… et tout le monde n’a pas forcément les moyens, la capacité, ou même l’envie de bien vieillir ! Certains préféreront « brûler la vie par les deux bouts » au péril de leur santé physique ou financière. D’autres ne pourront échapper à une maladie ou à l’isolement, n’arriveront pas à sortir de la dépression. Faut-il pour autant les juger et les mettre au ban d’une collectivité qui a, elle, besoin du bien vieillir, car il permet d’alléger le « poids » notamment financier de la perte d’autonomie ?
Il ne faudrait donc pas que les bons conseils utilement prodigués pour bien vieillir prennent l’allure d’un diktat imposé à l’individu, indépendamment de ses capacités et de son choix. Et que la force de l’incitation à l’acceptation nécessaire d’une vieillesse qui se vit de mieux en mieux, ne se transforme pas en injonction « jeuniste » qui prouverait notre faiblesse si d’aventure on ne s’y pliait pas.
Sandrine GOLDSCHMIDT
¹ Chronique du Dr. Pierre Guillet : Les cinq piliers du bien vieillir – Chap. 1
² ITW du Dr. Olivier de Ladoucette / Le Monde : On ne nous apprend pas à bien vieillir
En savoir plus :
> Nouveau guide du bien vieillir, Olivier de Ladoucette, Editions Odile Jacob
> Vidéo de Marie de Hennezel pour l’Institut du bien vieillir Korian