Partage d’une automobile, d’un logement ou apprentissage du code, l’entraide intergénérationnelle s’exprime par différents engagements entre séniors et jeunes générations. En voici quelques exemples, en France comme à l’étranger.
De l’auto-partage intergénérationnel à Brest
Le concept développé par le service Feu Vert mobilité de l’association brestoise Don Bosco s’appuie sur un constat simple. D’un côté, beaucoup de seniors ont un véhicule mais ne peuvent plus conduire. De l’autre, nombre de jeunes sont titulaires du permis de conduire, mais n’ont pas les moyens de s’acheter une voiture.
Don Bosco, qui s’implique depuis plusieurs années dans les problèmes liés à la mobilité, propose donc de constituer des binômes composés d’une personne de plus de 60 ans ayant une voiture et d’un jeune de 18 à 25 ans pouvant prouver une démarche d’insertion professionnelle. Ce dernier pourra ainsi utiliser le véhicule pour ses déplacements ou pour amener la personne âgée faire ses courses. Interrogé par Le Télégramme, Benjamin Aubry, un des porteurs du projet, tenait à préciser. « On n’est pas là pour se substituer au taxi, ni au train. On parle bien de déplacements pour la vie quotidienne. Et le jeune n’a pas vocation non plus à remplacer les auxiliaires de vie. De son côté, il n’aura la jouissance de la voiture que pour ses trajets à portée professionnelle ».
L’habitat intergénérationnel dans une maison de retraite des Pays-Bas
Dans l’est des Pays-Bas, à une centaine de kilomètres d’Amsterdam, une maison de retraite de la ville de Dementer propose des logements étudiants un peu particuliers. Ici, le loyer ne se compte pas en euros, mais en temps investi. En l’échange d’un logement, les étudiants doivent consacrer 30 heures par mois aux pensionnaires de l’établissement qui le souhaitent.
Leur rôle n’est pas celui du personnel soignant. «Ils rendent visite aux pensionnaires pour papoter, ils jouent à des petits jeux avec eux, ils les accompagnent au centre commercial, ou vont faire les courses pour ceux qui ne le peuvent pas», expliquait le coordinateur des activités de l’établissement à 20 minutes. L’objectif de cet habitat intergénérationnel est double : réduire les coûts des études pour les plus jeunes et lutter contre l’isolement des personnes âgées.
Du vélo intergénérationnel avec le projet danois “Cycling without age”
Un jour, il a remarqué un retraité assis seul sur un banc alors qu’il se rendait à son travail en vélo. Alors Ole Kassow lui a gentiment proposé de l’emmener faire un tour en bicyclette. Voilà comment ce Danois a eu l’idée de créer le projet “Cycling Without Age” (Le vélo peu importe l’âge en français). Grâce à des triporteurs, cette association permet aux personnes âgées – dont certaines ne sont plus en mesure de se déplacer – de se balader à vélo.
Fondée en 2012 à Copenhague, Cycling without age est aujourd’hui représenté dans 37 pays. En six ans, plus de 10 000 pilotes ont transporté plus de 50 000 séniors, parcourant près de 2,2 millions de kilomètres à travers 53 pays. L’adhésion pour un bénévole coûte 15e. Depuis le lancement, les objectifs de l’association n’ont pas évolué : redonner le droit aux personnes âgées de parcourir la ville et les espaces naturels, créer un pont entre les générations et valoriser le transport doux et non-polluant.
Le transfert de savoir-faire avec les talents d’Alphonse
Les talents d’Alphonse est une plateforme collaborative qui met en relation des retraités passionnés avec des personnes désireuses d’apprendre de leur passion. Couture, langues étrangères, patchwork, peinture sur porcelaine, photographie ou cuisine, les retraités proposent leurs services dans leur domaine de prédilection et n’importe qui peut les contacter sur le site “Les Talents d’Alphonse”. Le tarif des cours est unique : 15 euros de l’heure.
Dans une interview pour Make Sense, Barthélemy Gas et Thibault Bastin, co-fondeur des Talents d’Alphonse, revenaient sur l’évènement qui leur a donné envie de fonder cette plateforme.“C’est lors nos expériences professionnelles à l’étranger : au Mexique, au Congo ou encore aux Philippines que le projet est né. Dans ces trois pays nous avons été émerveillés par l’importance et le respect accordés aux seniors, où les liens intergénérationnels sont omniprésents.”
A Trébédan, les séniors de retour sur les bancs de l’école
Il y a quelques années, lors de sa rénovation, l’école primaire publique “Le blé en herbe” a été repensée comme un lieu de vie pour recréer du lien social entre les habitants de ce village de 400 âmes. L’établissement est notamment composé d’une bibliothèque ouverte à tous les habitants du village et d’une cantine qui se transforme en local associatif pour le club des retraités. Les cours sont ouverts à tous et des personnes âgées viennent y assister pour partager leur vécu et leur vision du monde devant les plus jeunes. Une initiative qui a conquis les seniors, heureux de voir les enfants les reconnaitre dans la rue et les appeler par leur prénom. Pour Nolween Guillou, directrice de l’école, « c’est important de donner ce rôle central aux élèves dès l’école primaire. Avoir conscience du rôle que l’on a à jouer dans la société, cela n’apparaît pas à 18 ans lorsque l’on est majeur”.
Que ce soit dans l’éducation, les transports ou les loisirs, l’entraide générationnelle ne se résume pas à un soutien aux personnes âgées. C’est un échange, un apprentissage commun à visage humain dont les séniors sont des acteurs à part entière. De leurs souvenirs d’enfance à leurs talents pour la couture, le français ou le théâtre, ils transmettent des savoirs et expériences aux jeunes générations. Si elle se limite aujourd’hui à des initiatives locales, cette union des plus jeunes et plus âgés est amenée à se développer dans les prochaines décennies. D’après les projections de l’INSEE, à l’horizon 2050, un Français sur trois sera âgé de 60 ans ou plus alors qu’ils n’étaient qu’un sur cinq en 2005. Aux services civiques, associations et startups d’imaginer les innovations à mettre en place pour tirer profit de cette transmission intergénérationnelle.
Usbek&Rica