Les 5 et 6 novembre 2015, Génération Care et BNP Paribas Cardif ont organisé un « JAM »¹ pour mieux comprendre et écouter les baby-boomers. Quelle vieillesse les baby-boomers sont-ils prêts à inventer, eux qui ont toujours été habitués à être des éternels jeunes ?
Tout arrive ! Les baby-boomers deviennent vieux. Cette génération dorée, dont le gros des troupes est né entre 1945 et 1955, s’apprête à quitter la scène de la vie active pour entrer dans l’âge de la retraite. La quoi ? La retraite ? Mais comment est-ce possible ? Comment cette génération, qui a inventé le concept de jeunesse, non pas démographiquement mais culturellement et politiquement, peut-elle ne serait-ce qu’admettre ne plus tenir le manche, ne plus faire la pluie et le beau temps, bref, être reléguée en marge de la société ? Quel rôle va-t-elle jouer désormais, dans une société numérique qui brouille les repères ? Loin d’être des retraités « à l’ancienne », nos jeunes vieux vont devoir s’inventer une nouvelle fonction sociale et intime. Habitués à essuyer les plâtres, c’est finalement encore eux qui vont devoir tracer la voie, au prix de quelques renoncements, mais pour leur plus grand épanouissement.
De l’abondance à la sobriété
Enfants de la croissance, ils sont nés en pleine Reconstruction et ont participé activement à l’irruption de la France dans la modernité. Ils ont bâti des routes, inventé le TGV, bouleversé le visage de nos villes, contribué aux grandes aventures industrielles des années 1960-70-80. Ils ont peu connu le chômage, se sont donnés corps et âmes à leurs entreprises, tout en bénéficiant des grandes conquêtes sociales de l’après-guerre : sécurité sociale, 39 puis 35 heures, retraite… Ils ont connu la société de l’abondance, quand on ne se posait pas encore la question de l’épuisement des ressources, quand on ne triait pas ses déchets, quand on possédait deux voitures par foyer.
Bref, ils ont été à la fois suractifs et boulimiques. Il va maintenant falloir qu’ils trouvent le chemin d’un nouvel activisme plus tranquille. En forme physique, ils ne ressemblent en rien à leurs parents, quand ces derniers quittaient la vie active en se retirant dans leur potager, entre deux plaquettes de médicaments. Les néo-retraités des années 2010-2020 ne veulent pas ne rien faire. Socialement engagés, technologiquement à l’aise, ils découvrent aussi de nouvelles manières de consommer et de produire en prenant le virage de la société collaborative. Mais cela ne peut se faire qu’au prix d’un renoncement gagnant : accepter de passer de l’abondance à la sobriété. Ce fameux « lâcher prise » enseigné dans les clubs de développement personnel qu’ils garnissent avec gourmandise.
De la jeunesse triomphante à l’art de la transmission
Enfants des yéyés biberonnés aux Beatles et aux Stones, les baby-boomers sont la première génération à avoir baigné dans la pop-culture. Musique, cinéma, télévision, pop-art : ils ont bénéficié d’une incroyable explosion culturelle, qui était aussi une façon de tourner le dos à leurs parents et à leurs références ringardes. Aujourd’hui, leurs idoles sont mortes ou ont vieilli, deux Beatles sur quatre sont partis, et les Stones font des tournées de papys sur un mode nostalgique. Le mouvement hip-hop a tout emporté, la musique techno donne le la, et les enfants du XXIe siècle rigolent aux vannes des youtubers. Largués, les baby-boomers ? Devenus ringards à leur tour ? Effroi dans les rangs ! Sauf que, par un ironique retournement de situation, les voici devenus, par la force des choses, des « passeurs ».
Grâce aux réseaux sociaux et à l’accès potentiel à toute la culture du monde sur Internet, la génération Y redécouvre les références de ses parents. Les Daft Punk font des « featurings » avec Giorgio Moroder, Lady Gaga chante avec Tony Bennett, et notre Johnny national n’en finit plus de remplir les stades, où se pressent trois générations d’une même famille. Après le temps de la jeunesse triomphante des années 1960, voici venu celui du grand syncrétisme culturel. Nous partageons tous, désormais, le même « background ». A condition de savoir ouvrir les yeux et les oreilles. Défi pour nos baby-boomers : endosser le rôle de passeurs, dans un esprit de réconciliation plus que d’affrontement.
Des pavés parisiens à BlaBlaCar
Dernier des grands apports de la génération des 60-70 ans : avoir été à la pointe de la contestation politique et sociétale issue des années 1960.
Si finalement peu de monde a réellement participé à « 68 », la vague qui a porté les Cohn-Bendit et consorts en « une » des livres d’histoire, a concerné toute la génération. Révolte anti-autoritaire, désir d’en finir avec la vieille société patriarcale à la de Gaulle, droit à l’avortement, quête de liberté individuelle… La génération 68 a réclamé et obtenu les plus importants changements sociétaux du XXe siècle. Mais les héros sont fatigués. Dany est devenu chroniqueur à la radio, les anciens intellos de gauche font figure de dinosaures adeptes du « c’était mieux avant », et les conquêtes sur le plan des mœurs ont fini par s’imposer à l’ensemble du corps social. Alors quoi ? Il n’y aurait plus rien à réclamer ? Les vieux combattants d’hier se retireraient sur leur Aventin, juste bons à narrer leurs exploits à une jeunesse qui les regarderait avec commisération ? Oui et non. En 2015, les nouveaux utopistes ne se gargarisent plus de grands discours, mais réclament des changements « soft » : pair à pair, valeurs écolos, solutions pratiques à des problèmes précis…
Les jeunes sont toujours engagés, mais différemment, dans le social business ou des « startup » qui changent le quotidien. Et cela tombe bien. Après tout, ce sont aussi les baby-boomers qui contribuent à l’émergence d’une nouvelle société collaborative et à des modes de consommation plus respectueux de la planète (ce qui était jadis, il faut bien le dire, le cadet de leurs soucis). Défi pour nos aînés : tendre la main à leurs enfants pour créer avec eux une société plus douce.
Vie économique, valeurs culturelles, engagement citoyen : on voit bien que les baby-boomers ont encore des choses à apporter au collectif. Mais comment ? Selon quelles modalités ? Avec quel niveau de motivation ? Et selon quel degré d’adaptation à la vie numérique ?
Ce sont toutes ces questions auxquelles s’est proposé de répondre le « JAM »¹ des 5 et 6 novembre derniers, organisés par BNP Paribas Cardif, intitulé « Dans un monde qui change, vieillir est un futur à inventer ». En deux jours, point de départ d’une réflexion longue sur l’avenir des néo-retraités, nous avons tenté de tracer ensemble des perspectives concrètes pour demain. En nous appuyant sur un panel représentatif, et dans une démarche de co-création qui a réuni experts internes, externes, des sociologues, des « startup » et aussi des collaborateurs de l’entreprise, nous nous sommes interrogés sur les aspirations et attentes de ces baby-boomers autour d’ateliers dont les 6 thématiques ont traité du travail, de la santé, de l’habitat, des modes de vie, de la mobilité et du lien social. Il n’y a plus qu’une seule vieillesse : il y a désormais les très vieux, et les jeunes vieux. Objectif : faire de ces journées le « premier jour du reste de sa vie »…
¹ Le JAM chez BNP Paribas Cardif est un événement inédit d’Open Innovation organisé par les équipes Innovation pour aider l’entreprise à imaginer et concevoir des concepts / offres : en temps contraint, 2 jours seulement, avec une méthodologie différente et différenciante : le « design thinking » et des équipes pluridisciplinaires pour croiser les regards et les savoirs-faire.