Septembre, c’est la rentrée des enfants mais c’est aussi celle des grands. Profitons d’un mois encore doux pour se plonger dans le livre émouvant et délicat de Valérie Perrin « Les oubliés du dimanche ». L’auteur nous entraîne dans une maison de retraite avec des résidents peu ordinaires. A découvrir absolument !
Les lieux, ce sont les vivants qui les habitent. Et dans la maison de retraite Les Hortensias que dépeint Valérie Perrin, également scénariste et photographe, et compagne de Claude Lelouch à la ville, la narratrice, Justine Neige, toute jeune aide-soignante pleine de vie, est bien décidée à accompagner jusqu’au bout ceux à qui leurs proches ne rendent pas visite le week-end. N’est-elle pas cependant trop jeune pour s’occuper des vieux ? « J’ai 21 ans et je cherche mes clefs plusieurs fois par jour… ». La jeune fille aime la musique, aller danser, et le 3ème âge car le « 2ème âge », elle ne l’a pas connu : ses parents et ceux de son cousin avec qui elle a grandit sont décédés trop tôt. Elle espère percer le mystère de leur disparition. Car Justine adore les histoires. « Les vieux racontent le passé comme personne » dit-elle. Leurs têtes sont désormais « leurs bibliothèques personnelles ».
L’aide-soignante transpose donc dans un cahier bleu la vie d’une résidente de la chambre 19, Hélène Hel. Et c’est là que le talent de la romancière s’affirme tout le long de ce texte délicat parsemé de jolies formules : équilibrer et superposer l’histoire de Justine et d’Hélène, une ancienne couturière et de son amoureux Lucien, pendant et après la Guerre. Depuis longtemps, la vieille dame qui n’a plus toute sa tête se livre par bribes. Elle est étonnamment accompagnée dans l’existence par une mouette qui la suit. Et si l’ombre de la mort plane au dessus de la tête de la pensionnaire, un autre oiseau sévit étrangement au sein de l’établissement de soins : un corbeau trouble la police et la paix de chacun en téléphonant aux familles pour faire croire aux décès de leurs proches, les incitant, de cette façon détournée, à se déplacer. C’est malin, c’est drôle. Il y a beaucoup d’amour dans ce texte de Valérie Perrin et l’on se souviendra de la profonde humanité qui s’en dégage.
Marina Lemaire
« Les oubliés du dimanche », de Valérie Perrin, éd. Albin Michel. 379 p, 19.50 €.