A voir la radieuse Malika Bellaribi Le Moal apparaître sur la scène du « 6ème Colloque sur les âges de la vie » accompagnée de sa chorale citoyenne intergénérationnelle, on se dit qu’il y a encore des raisons d’être optimiste et que la clé de cette foi en l’existence réside peut-être dans l’union des voix. Des cordes vocales de tous les âges, de tous les timbres faisant fi de l’appartenance sociale. Des voix pour composer le plus bel hymne à la joie qui soit : celui de la solidarité entre les hommes et les âges de la vie.
Peu importe qu’on soit féru ou non d’art lyrique, fin connaisseur des grands opéras, le chœur mené par Malika Bellaribi Le Moal nous transporte le temps d’un récital de La Belle Hélène d’Offenbach dans le monde de l’imaginaire et de la musicalité. Fermer les yeux, se laisser porter par les notes et oublier le chaos du monde.
Mais il faut dire que Malika Bellaribi Le Moal n’est pas une cantatrice drapée dans le faste compassé mais une mezzo-soprano au timbre rare débordante d’empathie qui a décidé de mettre sa voix au service des autres. A l’origine du projet « Une diva dans les quartiers » elle trouve du temps dans son programme de récitals pour sillonner les villes de Bondy et Créteil, ces zones prétendues de non-droit donc dépossédées de la parole, afin d’initier des projets d’art lyrique dans les quartiers notamment auprès des femmes soumises à la violence de l’exclusion. Soutenue par les centres sociaux de Bondy et Créteil, par l’hôpital gérontologique Broca, par les Fondations Abbé Pierre et Clarins, et enfin épaulée par le psychopraticien Christian Le Moal, cette diva du cœur enseigne avec l’aide de sa pianiste et de professionnels de l’opéra la technique vocale à des personnes d’âges et d’horizons différents sans connaissances musicales particulières. Grâce à son approche innovante de l’art lyrique, cet art dont elle est fière de dire qu’il vient du peuple, elle parvient à harmoniser les disparités.
Aucune ségrégation dans cette chorale faite de cheveux blancs et de jeune sève qui travaille avec ferveur toute l’année selon des méthodes explorant le savoir-être, les cinq sens et les émotions. Un apprentissage basé sur la confiance en soi, le goût de l’autonomie et du vivre ensemble qui insuffle à ses choristes un supplément d’âme dont la chaleur irradie la salle du Colloque en ce dimanche 7 février 2015.
Mais qui a donné à cette diva un tel appétit de vie et de partage ?
Pourtant Malika n’a pas eu la vie facile avant que sa voix ne tutoie celle des anges. Née en 1956, issue de l’immigration algérienne, elle a grandi à Nanterre dans des conditions d’une grande précarité et a subi à l’âge où l’on gambade la plus douloureuse des exclusions : celle de l’hôpital suite à un grave accident de la route. Confiée par sa famille le temps d’une longue convalescence aux sœurs de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, elle va s’initier à la musique. La musique comme instrument de résilience et la religion du chant comme bâton de pèlerin. Bien sûr au-delà de la passion de la musique, il aura aussi fallu à Malika beaucoup d’humilité et de persévérance face aux préjugés avant de devenir cette artiste lyrique reconnue qui transmet sans discrimination les grandes émotions de l’opéra.
Alors que l’on prétend l’ascenseur social et intergénérationnel à l’arrêt, Malika Bellaribi le Moal illustre le contraire et fait taire les sceptiques. Tout est encore possible et la musique demeure cette médiatrice d’excellence entre les mondes sensoriels et spirituels. L’engagement de cette artiste exceptionnelle a également été salué par la République française qui lui a remis en 2009 la distinction de Chevalier de l’Ordre national du Mérite et en 2012 celle de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.
Pour retrouver la voix de velours Malika et sa passion de la scène, venez l’écouter Salle Cortot (Paris 17) le 27 mars 2015 pour un récital de musique sacrée. Elle se produira également avec son opéra Carmen citoyenne de Bizet le 4 juillet 2015 à Lyon à la Tête d’Or. Un opéra engagé qui réunit professionnels de l’art lyrique, femmes des quartiers défavorisés, réfugiées en exil et différentes générations.
Astrid MANFREDI