Mademoiselle Gabrielle CHANEL n’a jamais cessé d’aimer et de faire la mode. A plus de 80 ans, tirée à quatre épingles et chapeautée, elle s’asseyait sur les marches du célèbre escalier de la Rue Cambon tandis que les mannequins présentaient ses collections d’une étonnante modernité. La grande dame de la haute couture ne s’est jamais sentie autrement qu’élégante à tous les âges de sa vie. Un message de chic intemporel qui n’avait que faire des rides car cette élégance était aussi de l’ordre de la liberté d’esprit et du goût d’entreprendre. Une liberté affranchie de la course contre l’âge.
Quand pour le Magazine Marie-Claire de février 2015 Joyce Carpati, chanteuse d’opéra et rédactrice de mode pour Cosmopolitan, déclare du haut de ses 82 ans « Je n’ai jamais voulu être plus jeune. J’ai préféré être superbe. » Elle bouscule aussi les préjugés qui stigmatisent la vieillesse en affirmant que vieillir n’est en aucun cas l’âge du renoncement à la beauté mais au contraire celui de l’éclosion de davantage de beauté. Toutefois, ces icônes mondaines qui déambulent sur les avenues des grandes métropoles avec un porte-monnaie confortable ne sont pas confrontées à l’offre de prêt- à-porter plus populaire qui à ce jour délaisse les seniors pour privilégier la jeunesse.
Or, ces seniors anonymes de France et de Navarre aimeraient eux aussi conserver une silhouette dynamique en portant des vêtements adaptés aux bouleversements de leurs corps, certes plus aussi fringants mais bien déterminés à être actifs et élégants. Car en dépit de certaines évolutions des mentalités et de l’essor du marché senior qu’ont attrapé au vol des marques comme Céline, Marc Jacobs et the Kooples pour le prêt-à-porter, ou encore Nars pour les cosmétiques en shootant la beauté énigmatique de Charlotte Rampling pour sa dernière campagne, certains moyens financiers sont nécessaires pour accéder à ces marques prestigieuses.
Comment faire pour rester élégant à tout âge ? Quelles sont les initiatives existantes originales et adaptées aux moyens des classes moins aisées ?
Alors qu’aux Etats-Unis les initiatives pour habiller les seniors fleurissent et pour certaines très inventives et décalées, notamment celle du blog Advanced Style qui photographie des muses seniors et a réalisé un documentaire en hommage à ces « Starlettes gériatriques », la France est à la traine et l’offre mode proposée aux seniors est assez peu attractive ou souvent triste. Comme si vieillir était aussi porter le deuil de l’élégance.
Parmi les initiatives françaises à saluer, car elles ne relèguent pas la personne âgée à une ombre vêtue de gris, celle du blog enmodesenior.com, qui avec son design pimpant dédramatise le vieillissement tout en décryptant les codes et en proposant des looks, des astuces beauté et des vidéos pour les seniors fashionistas qui ont l’intention de continuer à plaire.
Ou encore le blog blog.seniorenforme.com, qui pose un regard dépoussiéré sur l’allure de nos aînés et dont la modiste déclare : « La vie est trop courte pour s’habiller mal ». Cette spécialiste n’hésite pas à pointer du doigt le peu d’offres à disposition. Une offre qu’elle décrit comme coûteuse et digne de la Roumanie communiste. Pour mettre un terme à cette inégalité elle déploie une palette de conseils et privilégie les accessoires qui ensoleillent une allure.
Quant aux marques de prêt-à-porter, une fois listés des emblèmes tels que Damart, Daxon, Witt International, on constate qu’elles sont peu présentes et face à ce désert l’enseigne Habillez-moi se présente comme une marque Made in France dynamique. Distribuée à domicile par des hôtesses qui dispensent des conseils personnalisés, soucieuse de la qualité des matières et s’adaptant à la morphologie de ses clientes, Habillez-moi a su prendre conscience des évolutions du corps qui ne peut demeurer à jamais celui des vingt ans.
En dépit du rythme encore trop lent avec lequel les choses changent, l’élégance est aussi un jardin à cultiver et il suffit parfois de peu pour y accéder. Des éclats de couleur, un foulard joliment noué, une légère touche de rouge à lèvres et c’est mettre en marche le moteur de l’envie. Une envie qui n’est pas pour déplaire au Gérontologue et Psychiatre Olivier de Ladoucette qui milite pour un âge non pas administratif mais subjectif puisque dû à 30% à notre héritage et à 70% à notre comportement.
S’il n’y pas d’âge pour réapprendre à vivre, il n’existe pas non plus d’âge limite à la beauté car si elle est le fruit d’un comportement personnel, elle est aussi celle qui demeure vivante dans le regard bienveillant de nos proches.
Astrid MANFREDI