La mobilité des seniors est un enjeu majeur dans notre société. Car si la majorité des Français veut rester à son domicile, il faut, pour ne pas être isolée, que la personne âgée ait la possibilité d’en sortir et de se déplacer. Silver mobilité, mobilité inclusive, services d’aides à la personne, c’est une petite révolution de l’organisation de nos espaces qui reste à faire.
Pour les plus de 65 ans aujourd’hui, mobilité rime avec automobile. « La voiture est de plus en plus privilégiée par les seniors ; ils n’ont pas l’habitude de la marche ou du vélo », explique Florence Gilbert, DG de Wimoov’ (ex Voiture & co) et initiatrice avec Total du laboratoire de la mobilité inclusive. Problème, il arrive un âge où conduire devient difficile, voire impossible. Pour des raisons de sécurité d’abord : les personnes âgées ne provoquent pas plus d’accidents, mais les accidents ont des conséquences plus souvent mortelles pour elles.
Mais lorsque les personnes âgées laissent leur voiture pour passer au bus ou à la marche (les deux autres principaux moyens de transports des plus de 75 ans), les voici dans un milieu hostile. La moitié des piétons tués chaque année sont des seniors. L’environnement quotidien n’est pas fait pour eux. Il s’est même dégradé dans les dernières décennies : absence de mobilier urbain qui permette de faire des pauses, complexité des voies de circulation, avec l’apparition des voies de bus et des pistes cyclables, qui sont parfois sur les trottoirs.
Comment changer les choses ? Selon Florence Gilbert, il faut multiplier les solutions et élargir le champ des possibles, « tout en offrant un environnement urbain plus accessible, sinon les personnes âgées en perte de mobilité sont exclues des villes ». Au sein du laboratoire de la mobilité inclusive, c’est ce qu’elle tente de faire, avec d’autres : « nous réunissons dans certaines villes des entreprises, associations et collectivités locales concernées pour qu’elles travaillent ensemble. Nous mettons en place un bilan de compétences mobilité à destination des personnes âgées. Nous faisons des accompagnements et formations entre 3 et 6 mois qui permettent à la personne d’être autonome ».
On peut également favoriser des formations pour les chauffeurs de bus : aujourd’hui les personnes âgées hésitent à prendre le bus car elles ne se sentent pas en sécurité. Il faut donc former les conducteurs à ne pas démarrer trop rapidement, et les âgés à bien utiliser les transports en commun, c’est notamment ce qu’a entrepris la ville de Lyon dans le cadre du programme mondial « ville amie des aînés ».
Des services en faveur de la mobilité
L’autre grand axe de l’aide à la mobilité, ce sont les services qui existent déjà d’aide au déplacement, notamment dans le cadre des services à la personne. Ainsi, des sociétés comme Age d’or services proposent d’accompagner les personnes pour leurs déplacements. Senior Mobilité propose un service de voiture avec chauffeur. C’est également ce que fait l’association « Les compagnons du voyage », qui a été mise en place par la RATP et la SNCF et qui existe depuis 1993. Sa déléguée générale, Chantal Couprié explique que l’association permet, grâce à la mobilité, de redonner de l’autonomie, de l’énergie et de recréer du lien social. « Il s’agit de faire travailler la tête et les jambes des personnes âgées. Quand on les aide à sortir, on fait travailler la motricité et le moral ». L’association, qui a 90 salariés -dont de nombreux jeunes de moins de 35 ans- qui accompagnent les personnes dans leurs déplacements pour 30 euros de l’heure, est désormais reconnue comme porteuse de bonnes pratiques au sein du projet européen Aeneas, qui sert de base pour le développement de projets à dimension internationale dans le domaine de la mobilité urbaine des personnes âgées.
La Silver mobilité, un éco-système autour de la personne âgée
Forcément concernée par l’enjeu de la mobilité des seniors, la Silver economie n’est pas en reste. Autre émanation de la Silver Economie, le pôle Mov’eo regroupe 400 membres (entreprises, PME, etc .) Marie Eldin y est chargée de projets : « L’idée est de faire travailler ensemble tous les acteurs pour proposer de nouvelles solutions pour la mobilité. D’abord, de proposer des entraînements à la conduite. On peut ensuite proposer des aides technologiques, enfin, proposer des solutions alternatives, en favorisant l’émergence d’une plateforme commune entre aidants, seniors, et créer par exemple des réseaux de co-voiturage ».
Aujourd’hui la Silver economie travaille à des innovations qui permettent de favoriser la poursuite de la conduite automobile. Le premier « outil » qui a vu le jour est le radar de recul, qui s’est fortement développé en quelques années (mais dont le coût reste une barrière). L’avenir, ce seront peut-être des simulateurs de conduite, voire des pilotages automatiques des voitures. Mais la route est longue. « Ce n’est pas évident à concrétiser. C’est un changement de vision de tout l’éco-système autour des seniors qu’il faut réaliser. On n’a plus affaire à un « seul client » mais à un environnement global », explique Marie Eldin.
Changer d’échelle pour une société plus care
Le défi est donc de concilier deux aspirations apparemment contradictoires : favoriser la poursuite de la conduite le plus longtemps possible en la sécurisant, mais aussi familiariser dans le même temps les personnes âgées à d’autres modes de transport. Un défi qui appelle à un changement d’échelle, explique Florence Gilbert :
« Il y a un frémissement. Nous sommes dans une période de transition. Mais par rapport au défi que cela constitue il faudrait aller plus vite, expérimenter et être en capacité de rendre la problématique visible à toute la société ». Enfin, elle plaide pour une sensibilisation plus précoce. Elle recommande même de faire des journées mobilité dans les écoles. « Il faut apprendre qu’on peut se déplacer tous les jours différemment », dit-elle.
Toutes le disent : il faut désormais mettre tous les acteurs autour de la table, multiplier les recherches, l’information et les initiatives en faveur des exclus de la mobilité, car adapter les transports et l’environnement urbain en partant de leur besoin, c’est leur redonner la chance d’appartenir à la ville, mais c’est aussi un bénéfice pour la société tout entière.
Nombre moyen de déplacements par jour
• A 55 ans : 4
• Après 75 ans : moins de 3
30% des plus de 65 ans ne sortent pas un jour donné
Pourcentage de personnes déclarant une gêne pour se déplacer
• 65-74 ans : 16%
• Plus de 75 ans : 44%
Pourcentage de personnes déclarant des gênes pour la conduite
• 65-74 ans : 8%
• Plus de 75 ans : 19%
Les transports utilisés par les plus de 75 ans
• Voiture : environ 50%
• Transports publics : 5,1% (70% pour le bus)
• Vélo : 2,9%
• Marche : 39%
Source : laboratoire de la mobilité inclusive
Pourcentage de personnes motorisées à 65 ans : 72% (source GART)
Sandrine GOLDSCHMIDT
> Pour aller plus loin :
Mov’eo Imagine mobility
Laboratoire de la Mobilité Inclusive
Les compagnons du voyage